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jueves, 21 de septiembre de 2017

Penser les choses ensemble / Pensar las cosas en conjunto



 Le baiser mauve de Vava / El beso malva de Vava

Dany Laferrière - Frédéric Normandin*




Il faudrait remercier les amis, et les amis des amis, pour la mention à ce livre et le voyage qui a rendu possible son arrivée jusqu’ici. Bien que Dany Laferrière soit un écrivain très connu, tout le monde n’est pas forcément familier de ses livres destinés à la jeunesse. Il y en a trois. Tous des adaptations de L’odeur du café, ouvrage qui met en scène une partie de son enfance et se construit autour de la figure de sa grand-mère Da. Littéralement autour. Peut-être en face. Mais aussi à côté. Quoi qu’il en soit, tout près, afin de partager ce fameux café avec elle et, assis dans la galerie, tout ce qui est à la portée de ses yeux. 

Avoir adapté des épisodes de ce livre pour l’offrir à des enfants qui ont l’âge du narrateur est un geste d’amour. C’est aussi un geste qui permet de continuer à cogiter sur la question qui nous occupe dans ce blog : comment aborder avec les enfants des questions difficiles, en particulier liées à l’histoire récente. 


La lecture de ce texte en français et en créole implique des choses différentes selon le lieu et les personnes qui le lisent. Une pluralité de scènes de lecture sont possibles. Pour le moment, ici (Chili, Argentine) on ne peut lire l’ouvrage que si on parle français. Il serait donc urgent de le traduire et de le publier en espagnol afin qu’il soit diffusé dans les pays hispanophones.

D’abord parce qu’Haïti n’est pas l’en-dehors du continent américain. Et sans Haïti nous ne sommes pas en train de penser comme il faut ce que nous sommes et ce que nous voulons être. Ensuite parce que l’immigration haïtienne au Chili, en Argentine, et ailleurs, qui naît d’une tragédie (de plusieurs) est aussi une occasion d’établir des dialogues, des liens trop longtemps différés. Enfin, parce que ce livre réussit un pari difficile à tenir : raconter sans accabler. Raconter en jouant avec divers niveaux de représentation et de symbolisation.
 
"Je me demande quel genre de baiser peut réveiller une princesse endormie. -Un baiser mauve, me dit Da tout bas".

En effet, pour le très jeune lecteur qui ne connaît pas Haïti, ce livre donne l’occasion de parler d’Haïti. (On se moque de la répétition). Ce n’est pas un détail. Il y a bien longtemps que les livres dits pour enfants ne se passent plus « dans un lointains pays ». Mais ce pays lointain d’un autre genre, et le simple fait de permettre à un enfant chilien, argentin, uruguayen, paraguayen, bolivien... de placer Haïti sur une carte notre-américaine, comme dirait un ami, serait un apport. Une ouverture au monde.

Mais le motif du livre est autre. On y parle de dictature. Le mot apparaît dès la première page à mode d’exergue. Clairement, sans détour. Sans camouflage. Il ne vient pas seul. Il est tout entier attaché à une histoire d’amour que les lecteurs de Laferrière connaissent bien. (Au demeurant, celui qui ne l’aurait jamais lu, ne serait pas dépaysé pour autant).

La dictature, alors, selon cette première page: « c’est le Monstre qui empêche un garçon de dix ans de visiter son amoureuse qui a la fièvre ». Monstre avec un M majuscule… Monstre comme le chien auquel fait face le petit garçon (accompagné de son propre chien, Marquis, autre personnage inoubliable) dans une scène qui, à première vue, n’a que peu de liens avec la présence d’hommes « aux lunettes noirs ». Et pourtant…

On parle de tout dans ce livre. D’amour, de peur, d’aventures, d’amis surtout, de chiens, de grand-mères, cette grand-mère, de voyages, de l’obligation dans laquelle on se retrouve parfois de partir, de poésie, de ce que permet la poésie en dépit de tout.

Et au cœur du récit, non seulement Vava, mais aussi Da, la grand-mère. C’est elle qui rassure, qui parle, qui raconte, qui lit, qui connaît les mots, les secrets. La dépositaire de la confiance.

La scène de lecture que nous mettons en exergue ici avec une très mauvaise qualité de l’image – veuillez nous excuser – réaffirme quelque chose que nous sommes nombreux à ne pas vouloir oublier. Que le livre, tout comme Da, abrite, protège, aide à faire face aux peurs. Permet de grandir.

C’est pourquoi cette entrée se veut à la fois lettre d’information et – quelque part – annonce : recherche maison d’édition susceptible de publier ce livre en espagnol… afin de continuer à penser la chose – toutes les choses – ensemble.


AGC

* Le baiser mauve de Vava, Dany Laferrière, Frédéric Normandin, Québec, Éditions de la Bagnole, 2014.




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